La Jeunesse du peintre

J 1 - Ferme d'Annevoie - 1937 - hst (21 x 27)
Une ferme dépendant du château d’Annevoie. 1937, (h/t 21 x 27).

Guy de Sauvage a moins de seize ans lorsqu’il entreprend sa première peinture à l’huile. Son sujet : une ferme dépendant du château d’Annevoie, entre Namur et Dinant, et voisin du château familial de Rouillon où il passait régulièrement ses vacances. Cet élégant petit tableau révèle déjà une grande maîtrise de la couleur comme de la perspective, acquise auprès de Mademoiselle Duval, son professeur de dessin.

Annevoie 2
Quatre petites aquarelles des jardins du château d’Annevoie. (10 x 15), 1943.

Célèbre aujourd’hui pour ses magnifiques jardins dessinés par Le Nôtre, le château d’Annevoie a beaucoup inspiré le jeune artiste.  Les belles demeures sont l’environnement naturel de ce garçon bien rangé, élève des jésuites, et que sa mère rêvait de voir devenir ambassadeur ou évêque. Mais depuis son plus jeune âge, Guy veut devenir peintre. Ses parents n’y feront pas obstacle, exigeant simplement qu’il finisse d’abord ses études.

Château de Gougnies 1941 (22,5 x 31)
Le château de Gougnies, dans les environs de Charleroi. Dessin au crayon de 1941 (25’5 x 31).

De tous les châteaux qu’il aura fréquentés, celui de Gougnies lui laissera, jusqu’à sa mort, les souvenirs les plus heureux de sa jeunesse. Une jeunesse qui n’avait rien eu de facile entre une éducation terriblement stricte et une constitution maladive qui ne lui permettra pas de vivre pleinement la vie des jeunes de son âge. Un isolement qu’il rendra plus vivable grâce à la peinture.

Châteaux du voisinnage
En haut : carrières à Gougnies, aquarelle de 1942. En dessous à gauche : Ferme Saint-Jean à Saint-Trond – 1942 (11 x 23). A droite : Chapelle dans le jardin du château de Bioul. En bas à gauche : Château de Sart Eustache – 1939 (19 x 24,5). A droite : Arbres à Beverwijk – 1947 (15 x 23,5).
J 86 Autoportrait
Son seul autoportrait. Agé de 22 ans Guy de Sauvage se donne un air sévère sur ce dessin exécuté dans la propriété familiale de Rouillon. Mais l’époque ne prête pas non plus à sourire. On est en pleine guerre. Sa santé précaire ne lui permet pas de s’engager dans la Navy, comme la plupart des jeunes Belges, mais elle lui permettra aussi d’échapper au travail obligatoire en Allemagne.

Guy est avant tout paysagiste, on ne lui connaît donc que très peu de portraits ou de natures mortes. Juste le « minimum légal » sans doute, pour montrer qu’il « peut le faire ».

Famille de Sauvage
A Rouillon, en 1943, il croque son entourage familial. Son père et son frère Baudouin disputant une partie d’échecs ; sa mère assise dans un fauteuil ; Guy de Sauvage père qui tend l’oreille pour écouter les émissions de Radio Londres, brouillées par l’occupant ; son jeune frère Alain (Monique, la petite dernière, n’est pas encore de ce monde). Et les chiens de la maison, confortablement installés dans le salon : Mouchette et Mazette.

Si durant sa prime jeunesse, Guy de Sauvage dessinait essentiellement au gré de ses séjours dans sa famille ou chez des amis, en Belgique et au Pays Bas, la Guerre va l’amener à pousser plus loin ses investigations. Avec tout d’abord l’exode de l’été 1940 qui le mènera  à Toulouse puis à Beaupuy, dans le Gers. Dans la panique mémorable de cet épisode dramatique de l’histoire, il n’a pourtant pas oublié l’essentiel à ses yeux : son matériel de dessin.

J 54 - Château de Beaupuy (Gers), juillet 1940 (15,5 x 31,5) (1)
Le château de Beaupuy, dans le Gers, juillet 1940. Sanguine (15,5 x 21,5).

Les voyages

Plus heureux seront les voyages qu’il fera en France, notamment, avec Imma sa jeune  épouse. Que ce soit en Corse, en Bretagne ou ailleurs, Guy croque paysages et monuments sur ses carnets. Tantôt d’élégantes aquarelles peintes sur place, d’autres fois, ce ne sont que quelques simples traits d’encre de chine qu’il exploitera (ou non) bien plus tard.

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A gauche, une vue du Val d’Anniviers, en Suisse, en 1946, ou l’artiste passe quelques mois de convalescence (aquarelle, 18 x 25,5). A droite, le Palais des Papes, en Avignon en 1949 (encre et aquarelle 23,5 x 15).
J 36 - Calvi - Mars 1949 (15 x 23,5)
Calvi, mars 1949. (Encre et aquarelle, 15 x 23,5).
Voyages 2
La Bretagne, sa nature  sauvage et rude a beaucoup inspiré Guy de Sauvage, en 1950. Ici une vue d’un village du Finistère Sud (15 x 23,5), peut-être Tronoën dont il a fait deux dessins de l’intérieur de l’église (23,5 x 15).
Voyage en Bretagne 1954
La Bretagne, Guy et Imma de Sauvage l’ont visitée en compagnie de Christian et Marthe Goffinet, à bord de la 4 CV Renault décapotable de Christian. Christian Goffinet, que Guy a fréquenté dès son plus jeune âge, aura été de tous temps son plus grand ami. Il lui doit notamment d’avoir été son premier mécène en mettant à sa disposition la petite maison où il construisit son four à céramique, puis en lui prêtant un logement à Bruxelles. Une aide particulièrement précieuse à l’époque où les Sauvage étaient quasiment sans ressources et qui permettra à Guy de poursuivre son travail artistique.                                                                                                                                                Les croquis à l’encre de Chine ont été faits sur l’île de Sein. Pour l’anecdote, celui qui figure en haut à gauche a été fait en prélevant l’encre d’une seiche échouée sur la plage. Une expérience qui laissera longtemps un souvenir olfactif prégnant à son auteur…

C’est la démocratisation de la photographie qui semble avoir mis un terme à cette belle série de dessins. Dans les années soixante, Guy s’équipe d’un appareil de photo. De son voyage en Italie, pays dans lequel il a éprouvé une énorme émotion artistique, il ne ramènera pas le moindre croquis. En revanche, il prend des photos… Qu’il n’exploitera finalement pas. Comme si le lien  entre l’artiste et son modèle était coupé.

Mais cela coïncide aussi avec sa rencontre de l’abstraction.

Carte voeux Houyoux - Copie
Une des rares photos artistiques de Guy de Sauvage qui illustre la carte de voeux pour l’année 1959 de l’architecte belge Maurice Houyoux, créateur avec Jules Ghobert de l’Albertine, la bibliothèque royale de Belgique. Cette photo est une vue dépouillée de la maison que Houyoux s’est fait construire à Nieuport, sur la côte belge. Maurice Houyoux sera aussi un mécène très important pour Guy…                                                                                                                            …Sachant que toute médaille a aussi un revers.